Eric Quentin, Avocat associé chez Hoche Avocats livre pour Invoke son étude de l’actualité fiscale. Des principales mesures légales de la loi de Finances de 2022 aux décisions jurisprudentielles qui feront acte pour l’année à venir, voici l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour bien commencer l’année.
I. Les mesures légales de la loi de Finances de 2022
La loi de Finances pour 2022 compte très peu de mesures fiscales concernant les entreprises, comme cela est usuel pour les lois de finances de fin de mandature. Il faudra sans doute attendre la loi de finances rectificative qui suivra l’élection présidentielle et la formation d’un nouveau parlement pour que des réformes plus importantes soient engagées dans le domaine fiscal.
A) Parmi les mesures qu’il convient de mentionner on relèvera tout de même une nouvelle série de mesures consécutives à la crise sanitaire
1) La première concerne la consécration par la loi fiscale d’un principe de non-déductibilité fiscale des amortissements des fonds commerciaux acquis, y compris lorsque la durée probable d’utilisation de ceux-ci est limitée dans le temps.
Cependant, à titre dérogatoire et exceptionnel, et afin d’encourager à la reprise de fonds commerciaux dans une période difficile, le législateur a prévu que les amortissements régulièrement comptabilisés en application de la règlementation comptable pourront être déduits au plan fiscal s’ils se rapportent à des fonds commerciaux acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Il s’agit notamment des amortissements relatifs aux fonds commerciaux dont l’acquisition a des effets bénéfiques limités dans le temps ou des amortissements comptabilisés pour une période de 10 ans par les petites entreprises.
2) Parallèlement, un mécanisme de neutralisation est prévu afin d’éviter une double déduction au plan fiscal lorsqu’une entreprise est amenée à comptabiliser à la clôture de l’exercice une dépréciation des fonds commerciaux concernés.
3) Le législateur a également aménagé, à la marge, le dispositif de report en arrière des déficits, pour les reports en arrière constatés au titre d’exercices clos à compter du 31 décembre 2021. Il est ainsi prévu que le bénéfice d’imputation devra être minoré non seulement du montant du bénéfice qui a donné lieu au paiement de l’impôt sur les sociétés au moyen de crédits d’impôt mais également de celui dont l’impôt a été acquitté par une réduction d’impôt (plus particulièrement la réduction d’impôt mécénat).
Des précisions ont également été apportées par la loi de finances concernant le dispositif de lutte contre les instruments dits « hybrides » dont l’administration a commenté le dispositif, fort complexe, le 15 décembre dernier.
B) En matière de fiscalité de la recherche de l’innovation
On mentionnera la création d’un nouveau crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative entre les entreprises privées et les organismes publics destiné à favoriser le financement des organismes publics de recherche, la prorogation jusqu’au 31 décembre 2024 du dispositif du crédit d’impôt innovation lequel est également aménagé afin de le rendre conforme au droit communautaire et une modification du statut fiscal des Jeunes Entreprises Innovantes (JEI).
II. Les décisions jurisprudentielles clés en matière de fiscalité des entreprises
1) On citera plus particulièrement les décisions rendues en matière d’opérations de restructuration et notamment celles rendues en matière de transferts de déficits sur agrément, d’un intérêt pratique considérable en ces temps où les groupes de sociétés sont contraints de se réorganiser consécutivement à la crise sanitaire.
Certaines décisions font ainsi preuve de souplesse et de pragmatisme en matière d’appréciation du changement d’activité ce qui permet de favoriser ces opérations de restructurations1 . Pour sa part, l’administration fiscale a tempéré sa doctrine en considérant que le changement d’activité d’une société absorbante à l’occasion d’une opération de fusion emporte la perte des déficits provenant de son activité exercée avant la fusion mais qu’elle n’entraîne pas de conséquences sur les déficits qui auraient pu lui être transférés par la société absorbée du fait de la fusion2.
2) Dans le domaine de l’intégration fiscale, une importante décision du Conseil d’Etat a été rendue concernant l’application du fameux amendement Charasse en cas de « rachat à soi-même », notamment pour l’appréciation du critère de contrôle conjoint en cas d’action de concert (CE 6 décembre 2021, n° 349 650, Société Financière des Eparses).
D’autres décisions ont été rendues à propos du contrôle et du contentieux spécifique aux groupes intégrés, tant en ce qui concerne le délai spécial de réclamation ouvert à la société mère dans une logique de « tunnellisation » (CE 26 janvier 2021, n° 438 217, Sté Vicat) qu’en ce qui concerne le décompte de l’intérêt de retard, lorsqu’un groupe déficitaire redevient bénéficiaire (CE, 5 novembre 2021, n° 431 747, Elior Group).
3) Enfin, on ne saurait compléter ce volet d’actualité consacré à la fiscalité des entreprises sans évoquer la possibilité offerte par le Conseil d’Etat aux entreprises ayant supporté un impôt à l’étranger en cas de cession d’une participation substantielle relevant du régime des plus-values à long terme d’obtenir l’imputation de cet impôt sur l’impôt français correspondant à ces revenus (CE, 15 novembre 2021, n° 454 105, Sté L’Air Liquide).
Ce rapide tour d’horizon sera achevé avec la publication, respectivement les 20 et 22 décembre dernier, des règles modèles dites « GLOBE » par l’OCDE et d’une proposition de directive par la Commission Européenne afin de prévoir la mise en œuvre, dès le 1er janvier 2023, du pilier 2 du cadre inclusif OCDE/G20 destiné à lutter contre l’érosion des bases d’imposition lequel prévoit l’introduction d’un impôt minimum sur les bénéfices dont le taux a été fixé à 15% pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 750 M€. Ce même 22 décembre 2021, enfin, la commission européenne a présenté une proposition de directive destinée à mettre fin, à compter du 1er janvier 2024, à l’utilisation abusive d’entités écrans à fins fiscales au sein de l’Union européenne.
A suivre…
1 CE, 2 avril 2021, n° 429 319, SAS Alliance Négoce - CAA Paris, 8 juin 2021, n° 18 PA 03711, SA Sopra Steria Group
2 BOI-RES-IS-000103 du 29 décembre 2021