5 Juil 2019
| Par Adrien Toïgo, Analyste Fonctionnel | Invoke

Dans le cadre de l’adoption par le Parlement européen de la Directive IORP II (Institutions for Occupational Retirement Provision), l’EIOPA et la Banque Centrale Européenne (BCE) ont publié en 2018 des mesures précisant les nouveaux attendus règlementaires à destination des Institutions de Retraite Professionnelle (IRP). À compter de l’arrêté Q3 2019, les populations éligibles devront compléter et communiquer à leur autorité nationale compétente une série de tableaux (Quantitative Reporting Templates, ou QRT) au format XBRL, sur base annuelle et trimestrielle. Quels sont les enjeux de ce reporting, et quels sont les points d’attention à prendre en compte pour les IRP concernées ?

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Le paysage règlementaire

La mise en œuvre de la directive IORP II est assurée par deux règlements principaux au niveau européen, selon le type d’attendu :

  1. Les prérequis de supervision sont gérés par l’EIOPA (European Insurance and Occupational Pensions Authority), et décrits dans la décision EIOPA-BoS/18-114, ratifiée le 19 avril 2018.
  2. Des informations statistiques additionnelles peuvent être collectées auprès des IRP éligibles ; ces informations sont à destination de la BCE et établies au sein de la décision ECB/2018/2, ratifiée le 26 janvier 2018.

En pratique, cela ne signifie pas que les institutions éligibles devront effectuer deux reports de données à des régulateurs différents. En effet, suivant la même méthodologie adoptée pour les remises Solvabilité II, l’EIOPA se chargera de collecter (par l’intermédiaire des organismes de supervision nationaux) l’ensemble des données attendues au format XBRL, avant de transférer les informations pertinentes à la BCE.

La directive IORP II a été transposée au niveau national, pour chacun des pays de l’Union Européenne, le 13 janvier 2019. Les différents superviseurs ont eu la possibilité d’adopter des mesures particulières additionnelles, afin d’aller au-delà des attendus règlementaires européens et de les adapter à leurs spécificités locales. C’est le cas notamment de la France ou des Pays-Bas, où les IRP sont assujetties à des exigences complémentaires.

Qui est concerné par cette directive ? 

Le reporting IORP II s’adresse à l’ensemble des Institutions de Retraite Professionnelle européennes. Sur la base de la règlementation commune prévue par l’EIOPA, des exemptions ou des mesures allégées de report sont possibles. En fonction de sa taille, un organisme peut ainsi être exempté de remises trimestrielles, ou encore reporter un jeu d’informations réduit. Ces modalités sont détaillées indépendamment pour chaque pays, dans le cadre de l’agrément entre l’IRP et son superviseur national, ce qui peut complexifier le suivi des périmètres pour les groupes gérant des fonds de pension implantés sur plusieurs territoires.

La remise des données

Les organismes remettants transmettent leur report via des tableaux règlementaires déterminés par les instructions en vigueur, aussi nommés QRT (Quantitative Reporting Templates). Les données doivent ensuite être remises à l’EIOPA au format XBRL par l’intermédiaire des superviseurs nationaux. En fonction des instructions et des seuils de matérialité définis au niveau national, certains IRP remettants peuvent être exemptés de remise au format XBRL. Il est possible de distinguer quatre types de remise pour les assujettis :

Type de remiseDétaillée (EIOPA)Détaillée (EIOPA + BCE)Exemptée (EIOPA)Exemptée (EIOPA + BCE)
Fréquence de remiseTrimestrielle/Annuelle*Trimestrielle/Annuelle*AnnuelleAnnuelle
Première date de référenceT3 2019T3 2019A1 2019A1 2019
Set de donnéesComplet (13 QRT EIOPA)Complet (13 QRT EIOPA/BCE + 3 QRT BCE)Réduit (5 QRT EIOPA)Réduit (5 QRT EIOPA/BCE)
Seuil d’éligibilité général (agrément final délivré par le superviseur national) >100 membres et >25M€ de chiffre d’affaires>100 membres et >25M€ de chiffre d’affaires<100 membres et <25M€ de chiffre d’affaires**<100 membres et <25M€ de chiffre d’affaires**

*Les autorités nationales compétentes ont la possibilité, sous certaines conditions, d’exempter les plus petits organismes individuels de remise trimestrielle et/ou de report du tableau PF/E.06.02. Cette décision est encadrée par une instruction applicable aux IRP implantés sur le territoire.

**L’agrément final de remise exemptée est délivré à la discrétion des autorités nationales compétentes aux IRP concernés. Certains superviseurs peuvent demander des remises détaillées pour l’ensemble des IRP.

Contenu et type de reporting

Les données reportées peuvent être décomposées selon trois axes thématiques.

  • Informations de remise et identification du fonds de pension : ces données techniques caractérisent le contenu du reporting ainsi que la nature d’activité de l’IRP (PF/E.01.01 et PF/E.01.02). De par sa nature, ce segment mineur du reporting est le plus simple à appréhender pour les remettants.
  • Résultats financiers de l’exercice et détail du capital : le segment le plus conséquent du reporting, concentrant la majorité des exigences prudentielles abordées dans la Directive IORP II. Certaines de ces informations peuvent sembler familières aux organismes remettants, telles que la feuille de bilan (PF/E.02.01), cependant de nouveaux attendus se révèleront critiques à appréhender afin d’assurer une haute conformité des données remises ; c’est le cas notamment des détails sur les investissements (PF/E.06.02) et transparisation des OPCVM (PF.06.03), nécessitant de reporter des informations hautement granulaires.
  • Détail de l’activité : ces exigences couvrent des métriques familières aux organismes remettants, tels que le nombre de membres actifs ou de bénéficiaires (PF.50.01), les transferts durant l’exercice, ou encore les sommes des primes et contributions payées (PF.51.01).

Les enjeux pour les fonds de pension

Ces nouvelles exigences règlementaires présentent un enjeu majeur pour les Instituts de Retraite Professionnelle européens. Les organismes devront faire face à des problématiques de qualité des données inédites, notamment sur le report des informations d’investissements. Celles-ci sont en effet guidées par un double besoin d’exhaustivité (les attendus sont extrêmement granulaires et doivent être complétés avec la plus grande précision possible), mais aussi de cohérence (des contrôles taxonomiques sont opérés sur et entre chaque tableau afin d’assurer la cohésion de chaque rapport) ; un travail de complétion rendu fastidieux par la disparité des informations mises à disposition des organismes.

Le format XBRL nécessite par ailleurs une plus grande rigueur opérationnelle. En effet, les taxonomies utilisées pour les remises sont régulièrement mises à jour afin de suivre les évolutions règlementaires et introduire de nouvelles contraintes de qualité des données. 

En contrepartie, ce cadre technique permet aux organismes d’atteindre un degré inédit de contrôle sur leurs informations reportées, permettant de simplifier les rapprochements entre des sources de données hétéroclites, ou encore d’assurer la cohérence des remises tout au long de la phase préparatoire, jusqu’à la validation des montants finaux. Cette nouvelle approche bénéficie par ailleurs de l’expérience déjà acquise par l’intermédiaire du reporting Solvabilité II, l’EIOPA ayant décidé de gérer les remises Solvency II et fonds de pension à l’aide d’une même taxonomie. En plus de garantir une maturité et une fiabilité immédiates à ce nouveau reporting, cela permet aux gestionnaires de grands groupes traitant des deux types d’activité de rationaliser leur chaîne de production entre les différentes entités.